Michel Munger
Argent
14 février 2013- L'industrie éolienne et ses 5000 emplois sont menacés au Québec si la province ne poursuit pas son développement, disent deux associations qui se portent à sa défense.
C'est le message lancé jeudi par l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable et l'Association canadienne de l'énergie éolienne.
Les deux organismes soulignent qu'en trois appels d'offres de 2003 à 2009, Hydro-Québec a mis la main sur 3300 megawatts de capacité. Environ 700 MW sont manquants pour compléter l'engagement de 4000 MW pris par le gouvernement.
Les associations ont commandé une étude aux cabinets de conseil d'affaires Secor et KPMG pour illustrer son importance. Environ 5000 emplois directs à un salaire annuel de plus de 48 000 $ en dépendent.
Comme l'aéronautique ?
«Notre industrie est la plus développée au Canada et dans l'est des États-Unis, avance Jean-François Nolet, vice-président politiques et affaires gouvernementales de l'Association canadienne de l'énergie éolienne. Seul le Midwest américain nous dépasse avec sa concentration.»
S'il le veut, le Québec peut développer l'éolien comme il l'a fait avec l'aéronautique, affirme Jean-François Samray, PDG de l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable. «Le fait d'avoir une grappe structurée attire des joueurs supplémentaires, dit-il. Nous avons tout au Québec: le cuivre, le fer et les terres rares. Nous pouvons partir de la matière brute jusqu'au produit fini.»
Incertitude
M. Nolet doute cependant de la volonté politique de Québec, qui semble attendre trop longtemps. «Il y a beaucoup d'incertitude. Ceux qui veulent investir se demandent s'ils peuvent continuer ou non sur leur lancée.»
Il lance un avertissement à partir des décisions prises l'an dernier aux États-Unis. «Il y avait 37 000 emplois en jeu lorsqu'un crédit d'impôt a été renouvelé à la dernière minute, souligne M. Nolet. Environ 3000 licenciements ont eu lieu.»
La même chose pourrait se passer au Québec, poursuit M. Samray. «Les carnets de commandes sont vides pour 2015. Ne pas respecter l'engagement anéantirait 10 ans passés à [bâtir l'industrie].»
Le dernier appel d'offres d'Hydro a toutefois coûté 11,5 cents le kilowatt/heure. Les deux associations sont convaincues que les conditions de marché sont meilleures en 2013.
Par contre, Hydro a des surplus de courant. A-t-elle besoin des éoliennes ? Secor et KPMG estiment que ses excédents équivaudront à seulement 1% de la consommation québécoise d'ici 2027, selon des données fournies à la Régie de l'énergie.
D'autre part, le Québec a développé une industrie en bonne partie avec l'arrivée d'entreprises étrangères.
«Le secteur éolien n'est pas différent des autres, rétorque Jean-François Samray, mais les joueurs qui sont venus ici s'aperçoivent que nous avons une main d'œuvre qualifiée. L'usine [de la société danoise] LM Wind Power, de Gaspé, est la plus performante au monde.»
L'installation a en effet produit 750 pales d'éoliennes en 2012, un record.
M. Samray est convaincu que le Québec est un excellent marché pour les éoliennes. «Prenez l'exemple de la dernière vague de froid. Les éoliennes ont tourné à plein régime. Elles ont intégré de l'électricité au réseau.»
À Québec, «le dossier est en analyse dans la perspective du maintien de l industrie manufacturière», explique Patrick Ney, attaché de presse du ministère des Ressources naturelles.