Audrey Tremblay
Le Nouvelliste
6 février 2013 - La Tuque- Le projet de la centrale hydroélectrique Manouane Sipi, un des plus importants projets économiques de la Ville de La Tuque, a pris une tournure inattendue hier alors que la ministre des Ressources naturelles Martine Ouellet a mis fin au programme de minicentrales hydroélectriques de 50 MW et moins. Au Québec, ce sont six projets qui ont été touchés.
La nouvelle a été apprise avec stupéfaction et consternation à La Tuque. La Ville devrait réagir dans un point de presse aujourd'hui à ce sujet. Le maire Normand Beaudoin, qui était visiblement très furieux, a préféré attendre avant de commenter le dossier. Il en est de même du côté du chef du conseil de bande des Atikamekws de Wemotaci, David Boivin, qui a préféré n'émettre aucun commentaire hier.
De son côté, la députée de Laviolette, Julie Boulet, trouve inacceptable que le gouvernement Marois mette fin au projet de minicentrale dans le haut Saint-Maurice et exige que le projet soit maintenu. «Je suis sous le choc, cette décision est totalement inacceptable et surtout non justifiable», souligne Julie Boulet. Cette dernière croit qu'il s'agit d'un manque de respect profond à l'égard de la Ville de La Tuque et de la communauté de Wemotaci.
Pour les acteurs économiques de la région, bien qu'aucun n'ait voulu se prononcer officiellement sur le dossier, tous étaient en accord pour dire qu'il s'agissait d'une très mauvaise nouvelle pour la région.
Le projet de Manouane Sipi, évalué à 95 millions $, devait être réalisé conjointement par la Ville de La Tuque et la communauté Atikamekw de Wemotaci. Une étude de faisabilité avait dernièrement démontré la rentabilité du projet. Cette étude prévoyait que chacun des partenaires du projet pourrait récolter des bénéfices de 106 millions $ au cours des 40 prochaines années. De plus, la centrale hydroélectrique aurait pu rapporter 2,5 millions $ par année dans les coffres de la Ville plus les 350 000 $ en taxes municipales.
Il s'agissait d'un important projet pour le maire de La Tuque, il en avait d'ailleurs longuement vanté les mérites lors de son allocution devant les membres de la Chambre de commerce et d'industrie du Haut
Saint-Maurice. «Nous sommes très chanceux d'avoir cette opportunité, parce que c'est un projet presque parfait. Comme il n'y a pas de barrage à construire, puisque nous utilisons le barrage Manouane d'Hydro-Québec, les impacts environnementaux sont très limités. Nous avons un beau partenariat avec les Atikamekws de Wemotaci, qui eux aussi vont avoir de l'argent neuf pour développer leur communauté. Mais surtout, on se donne une source de revenus autre que la taxation et les subventions du gouvernement pour se développer ou éliminer notre dette ou toute autre chose que nous déciderons de réaliser ensemble», avait-il mentionné dans son discours en décembre.
Les projets de Sainte-Anne, de la Chute du Six Milles, de la Chute du Quatre Milles, de la Centrale Saint-Gabriel, de la Onzième chute ont également été annulés.
«Dans le contexte actuel de surplus énergétique, Hydro-Québec économisera 24 M$ chaque année grâce à cette décision. C'est donc l'ensemble des Québécois qui seront gagnants en évitant des pertes importantes», a déclaré la ministre des Ressources naturelles Martine Ouellet.
La fin de ce programme aura pour conséquence l'abandon de six projets de petites centrales hydroélectriques dont les étapes de réalisation sont à un stade préliminaire. «Le gouvernement entamera rapidement des discussions avec les promoteurs concernés afin de déterminer les indemnisations appropriées en fonction de l'état d'avancement des projets et des dépenses effectuées», a expliqué Mme Ouellet.
«Un projet porteur d'espoir»
Le gouvernement Marois a déjà entrepris des démarches afin de trouver des solutions compensatoires pour le développement des communautés et municipalités touchées par l'annonce de la fin au programme de minicentrales hydroélectriques.
Québec entend consulter les principaux membres concernés afin de trouver des solutions pour soutenir des projets structurants propres à favoriser leur développement économique.
Un comité interministériel, sous la supervision du ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire et ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, a d'ailleurs été mis sur pied.
«Le comité a pour mandat de travailler en collaboration avec les communautés touchées pour déterminer les projets structurants de développement socio-économique à développer à court terme», a déclaré M. Gaudreault.
«Le gouvernement est conscient que cette décision aura des répercussions sur les communautés autochtones touchées. Je m'assurerai d'entamer un dialogue constructif afin de trouver des solutions satisfaisantes pour tous», a affirmé la ministre déléguée aux Affaires autochtones, Élizabeth Larouche.
Pour la députée de Laviolette, Julie Boulet, la meilleure solution est de maintenir le projet.
«Je réitère à la ministre Ouellet ma demande de poursuivre ce projet structurant et enrichissant pour toutes les communautés de la Haute-Mauricie. Il pouvait stimuler l'économie et créer des emplois également. C'était aussi beaucoup de retombées économiques et c'était également un projet porteur d'espoir. C'est tellement désolant et de voir que leur argumentaire ne tient pas la route c'est vraiment très décevant et totalement inacceptable», insiste Mme Boulet.
«Rappelons que le gouvernement péquiste, en venant annuler ce projet conjoint, ferme la porte à des programmes de partenariat entre les municipalités et les nations autochtones.
N'oublions pas que ce même gouvernement est en train de négocier avec la communauté Atikamekw et ce manque de respect pourrait mettre en péril une issue positive à ces négociations».
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