L'île de Montréal a atteint Kyoto
Karim Benessaieh
La Presse
L'abandon progressif du mazout pour chauffer les maisons a permis à l'agglomération de Montréal de rejoindre un club select: celui des bons élèves du protocole de Kyoto.
Selon l'Inventaire 2010 des gaz à effet de serre (GES), rendu public hier par la Ville de Montréal, les émissions ont en effet diminué de 6% par rapport à 1990, soit exactement l'objectif du protocole.
On attribue essentiellement cette performance au secteur résidentiel, dont les émissions ont baissé de 40% entre 1990 et 2009. Grâce au recyclage et à un meilleur captage des biogaz, par ailleurs, les émissions liées aux matières résiduelles ont également diminué de 72%.
Le secteur industriel a quant à lui diminué ses émissions de 7%.
Une des taches au dossier des Montréalais concerne leur goût pour les gros véhicules. Les émissions de GES provenant des transports ont connu une augmentation de 8%, essentiellement attribuable au nombre grandissant de véhicules utilitaires sport sur les routes, a noté Josée Duplessis, conseillère responsable du développement durable au comité exécutif.
«Notre plus grand défi, c'est le transport. Les émissions des véhicules ont baissé, mais les gens achètent plus de VUS, a-t-elle résumé. Il va falloir agir sur ce point, prendre les transports en commun, privilégier les véhicules plus petits.»
La Ville montre l'exemple
Le portrait n'est pas plus rose en ce qui concerne les secteurs commercial et institutionnel, dont les émissions ont augmenté de 34%.
«La croissance de la demande énergétique du secteur ainsi que l'augmentation de la consommation de mazout et de gaz naturel» expliquent cette hausse, note le rapport.
En ce qui a trait aux émissions liées aux activités de la Ville de Montréal et des autres municipalités, dites «corporatives», on se félicite d'avoir réussi à les diminuer de 28%.
«On a fait nos classes, on est capables ensuite d'être des leaders, estime Mme Duplessis. Cela dit, les gains faciles ont été faits, il va falloir redoubler d'efforts pour aller plus loin.»
Bien que la baisse des émissions «municipales» soit notable, elle est relativisée par la faible importance de celles-ci: elles ne représentent en effet que 1,6% des émissions globales de la collectivité de l'agglomération de Montréal.
Ce bilan concerne la Ville de Montréal, ses 19 arrondissements et les 14 villes reconstituées dans l'île. L'agglomération couvre un territoire d'environ 500 km2 pour une population de 1,8 million d'habitants. Les émissions de ce grand ensemble sont passées de 15 013 kilotonnes d'équivalents CO2 en 1990 à 14 090 kilotonnes en 2009.
Des gestes «audacieux»
L'agglomération est cependant encore loin de l'objectif annoncé en 2005, qui était de réduire de 30% d'ici 2020 les émissions par rapport à 1990.
«La réduction globale de 6% [...] peut sembler mineure, mais il est important de considérer que cette réduction a eu lieu malgré une hausse de 6% de la population», explique le rapport.
En matière d'émissions de GES par habitant, on note ainsi une baisse de 11% entre 1990 et 2009. Au Québec, pendant la même période, les émissions par habitant ont baissé de 13%.
Pour atteindre l'objectif fixé pour 2020, «il faut être très audacieux, indique JoséeDuplessis. Il va falloir poser des gestes forts. Les prochains mandats sont cruciaux.»
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Alerte aux camions légers
Les émissions de GES attribuables au transport dans l'île de Montréal ont augmenté de 8% depuis 1990. Mais la faute n'en incombe pas à l'automobiliste moyen.
Les camions légers, notamment les véhicules utilitaires sport, en sont en cause. Ils étaient responsables de 14% des émissions en 1990, et sont maintenant responsables de 25% de celles-ci.
Les Montréalais grands écolos
Grâce à une utilisation accrue des transports en commun et à des industries moins polluantes, l'île de Montréal est carrément sur une autre planète que le reste du pays sur le plan des émissions de GES.
Avec 7,5 tonnes d'équivalents CO2, le Montréalais moyen émet presque trois fois moins de GES que les autres Canadiens, et ses émissions sont inférieures de 30% à celles des autres Québécois.
Populaire mazout
Pendant que les propriétaires montréalais abandonnaient le mazout, les commerces et les institutions en consommaient six fois plus entre 1990 et 2009. C'est une des principales explications avancées pour la hausse de 34% de leurs émissions de GES.
On note également que la superficie des bâtiments a augmenté de 11%, ce qui est en soi une bonne nouvelle... économique.
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